La garde de l’enfant après le divorce en droit tunisien : intérêt supérieur de l’enfant et rôle des parents

La garde de l’enfant après le divorce en droit tunisien

🔹 Introduction

La garde de l’enfant après le divorce demeure l’une des questions les plus sensibles du droit de la famille tunisien.
Entre la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant et le respect des droits parentaux, le juge de la famille tunisien joue un rôle clé.

Dans cet article, nous explorons le cadre légal de la garde en Tunisie, les principes jurisprudentiels récents et les défis concrets auxquels sont confrontés les parents après la rupture du mariage.


🔹 I. Le cadre juridique de la garde en Tunisie

⚖️ 1. Les textes applicables

La garde — ou ḥaḍāna — est régie par les articles 54 à 67 du Code du statut personnel (CSP).
L’article 67 dispose que la garde vise le bien-être moral et matériel de l’enfant, plaçant ainsi son intérêt supérieur au centre de toute décision.

👩‍👦 2. Les titulaires de la garde

La mère bénéficie généralement de la priorité pour la garde, surtout lorsque l’enfant est en bas âge, sauf cas d’empêchement (remariage, incapacité, absence de moralité).
Le père, quant à lui, conserve la wilāya — c’est-à-dire l’autorité parentale — pour les décisions importantes : santé, éducation, déplacements, gestion des biens.

Ainsi, le droit tunisien distingue entre :

  • la garde : soins quotidiens et hébergement ;
  • l’autorité parentale (wilāya) : orientation générale et décisions majeures.

⚖️ 3. Les critères retenus par le juge

En cas de conflit, le juge évalue :

  • l’âge et la santé de l’enfant ;
  • la capacité morale et matérielle de chaque parent ;
  • la stabilité du cadre de vie ;
  • le lien affectif et l’attachement de l’enfant.

Ces critères s’inspirent directement de la Convention internationale des droits de l’enfant, ratifiée par la Tunisie.


🔹 II. Jurisprudence récente : vers plus d’équilibre parental

⚖️ 1. La garde partagée, une évolution progressive

Bien que non prévue explicitement par le CSP, plusieurs décisions récentes ont admis des formes de garde alternée lorsque les parents vivent à proximité et coopèrent efficacement.
Cette évolution reflète une volonté d’impliquer les deux parents dans la vie de l’enfant, au-delà du conflit conjugal.

✈️ 2. Le droit de visite et les déplacements à l’étranger

Les litiges relatifs aux voyages internationaux sont de plus en plus fréquents.
Les tribunaux exigent désormais l’accord du titulaire de la wilāya avant tout déplacement prolongé de l’enfant à l’étranger.
En cas de risque d’enlèvement, le passeport de l’enfant peut être bloqué par décision judiciaire.

📜 3. L’intérêt supérieur de l’enfant : principe directeur

La Constitution tunisienne de 2022 protège la famille et l’enfance.
Les juges s’y réfèrent pour privilégier la stabilité psychologique et éducative de l’enfant sur toute autre considération, notamment les différends entre parents.


🔹 III. Les défis pratiques et les pistes de réforme

⚠️ 1. Exécution difficile des jugements de garde

Malgré la clarté des décisions judiciaires, leur exécution demeure problématique :

  • refus de remise de l’enfant,
  • départs non autorisés à l’étranger,
  • procédures d’exécution longues et parfois traumatisantes.

Des experts recommandent la création d’un service de médiation et d’accompagnement psychologique pour les familles en conflit.

🤝 2. La médiation familiale, un outil sous-exploité

Le juge de la famille doit tenter une conciliation avant le jugement (article 32 CSP).
Mais cette procédure reste formelle.
L’introduction d’une médiation familiale structurée pourrait apaiser les tensions et éviter des procédures longues et coûteuses.

🏛️ 3. Vers une réforme du Code du statut personnel

Plusieurs propositions circulent :

  • reconnaissance de la garde conjointe dans le CSP ;
  • meilleure définition du partage de la wilāya ;
  • encadrement légal des déplacements internationaux.

Une telle réforme permettrait de moderniser le droit de la famille tunisien, en l’alignant sur les standards internationaux tout en respectant les valeurs locales.


🔹 Conclusion

La garde de l’enfant après divorce en Tunisie illustre les défis constants entre tradition et modernité.
Le juge tunisien œuvre à adapter les textes du CSP à la réalité sociale, en plaçant toujours l’intérêt de l’enfant au cœur de sa décision.

L’avenir du droit tunisien de la famille se dessine vers une coparentalité équilibrée, où père et mère assument pleinement leurs rôles, dans un cadre juridique rénové et humain.


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