L’exercice du commerce en Tunisie par les étrangers : ce qu’il faut savoir

L’ouverture de la Tunisie à l’investissement étranger ne signifie pas que les étrangers peuvent exercer librement toutes les activités économiques sur le territoire. En réalité, l’exercice du commerce par les étrangers est encadré par une réglementation spécifique qui repose principalement sur un régime d’autorisation préalable. Cette exigence vise à protéger certains secteurs et à réguler l’accès à certaines activités économiques.

Le cadre juridique applicable

Le texte de référence en la matière est le décret-loi du 30 août 1961 réglementant l’exercice du commerce par les étrangers en Tunisie. Bien qu’il remonte à l’époque post-indépendance, ce décret-loi demeure pleinement en vigueur aujourd’hui. Il a toutefois été complété par d’autres textes, notamment :

  • Le décret n°94-1743 du 29 août 1994, qui dresse la liste des activités commerciales soumises à autorisation préalable pour les personnes physiques ou morales étrangères ;
  • D’autres lois relatives à l’investissement, à la fiscalité ou à l’urbanisme, qui peuvent s’appliquer en complément.

Ce que dit la loi

L’article premier du décret-loi du 30 août 1961 est clair :

“Nul ne peut, s’il n’est Tunisien, exercer en Tunisie, à titre individuel ou en tant que membre d’une société, une profession commerciale, industrielle, artisanale ou une profession libérale quelconque, s’il n’y est autorisé par décret.”

Cela signifie que tout ressortissant étranger, qu’il s’agisse d’une personne physique ou morale, doit obtenir une autorisation formelle avant d’exercer une activité commerciale, artisanale, industrielle ou libérale en Tunisie.

Il ne suffit donc pas de créer une entreprise ou de racheter des parts dans une société tunisienne pour être en règle : l’autorisation préalable est une condition essentielle de légalité.

Un régime d’autorisation rigoureux

L’autorisation est généralement délivrée par le ministère du Commerce, parfois après avis de la Commission supérieure d’investissement, selon la nature et l’envergure du projet.

Cette autorisation est exigée :

  • Pour la création d’un commerce par un étranger ;
  • Pour la prise de participation dans une société tunisienne exerçant une activité commerciale ;
  • Pour tout acte juridique qui entraînerait l’entrée d’un étranger dans une activité commerciale en Tunisie.

La procédure d’obtention peut être longue et suppose la constitution d’un dossier détaillé justifiant l’intérêt économique du projet, le respect de la législation tunisienne, et parfois l’engagement de recourir à la main-d’œuvre locale.

Conséquences de l’absence d’autorisation

Le non-respect de cette obligation d’autorisation entraîne des sanctions juridiques importantes, parmi lesquelles :

  • La nullité des actes juridiques accomplis (contrats, cessions, assemblées) ;
  • La fermeture de l’établissement ou de la société concernée ;
  • Des poursuites administratives ou fiscales ;
  • L’impossibilité de faire valoir ses droits devant les juridictions tunisiennes.

La jurisprudence est stricte

La jurisprudence tunisienne a confirmé à plusieurs reprises la portée impérative de cette règle. Par exemple :

  • Dans un arrêt de 2019, la Cour de cassation a annulé une cession de parts sociales effectuée au profit d’un étranger, faute d’autorisation préalable.
  • Dans une autre décision, elle a jugé que la seule présence d’un associé étranger dans une société commerciale, sans autorisation, rendait nuls les actes de cette société.

Ces décisions illustrent la vigilance des juridictions face aux manquements à cette règle, et confirment que le défaut d’autorisation est une cause de nullité absolue.

Pourquoi cette réglementation ?

Cette réglementation vise à :

  • Protéger le tissu économique local ;
  • Préserver les secteurs stratégiques de l’économie nationale ;
  • Encourager les investissements structurés et bénéfiques pour la Tunisie ;
  • Assurer un contrôle des flux d’investissement étrangers.

Ce régime ne vise pas à exclure les étrangers, mais à organiser leur accès à l’économie nationale dans un cadre maîtrisé.

En conclusion

Toute personne étrangère qui souhaite exercer une activité commerciale en Tunisie — que ce soit en son nom propre ou en tant qu’associé dans une société — doit impérativement obtenir une autorisation préalable. Cette obligation est une condition de régularité de l’activité.

Les investisseurs étrangers ont tout intérêt à se faire accompagner dès le début de leur projet par un professionnel du droit ou du conseil aux entreprises, afin d’éviter tout risque juridique ou administratif.


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Cet article est mis en ligne à des fins d’information juridique. Il ne constitue pas un avis juridique individualisé. Pour toute situation spécifique, veuillez consulter un avocat ou un conseil juridique qualifié.

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